
Expédition en terrain connu – 07/2025

La majorité des personnes à qui on a parlé du projet nous ont trouvé complètement débiles, l’autre partie a trouvé ça classe mais ne nous aurait pas suivi.
Tout a commencé un jour de pluie dans une tente, avec Solène on avait toutes les deux une grande voie qui nous faisait rêver au Col du Midi. Le Grand Capucin pour moi et Ma Dalton en face sud de l’Aiguille du Midi pour elle.
L’idée est donc d’aller grimper ces voies en partant de Grenoble en autonomie, en mobilité douce et sans moyen motorisé.


25.06.25
4h20 On part de Grenoble, les vélos sont bien chargés et une grosse journée nous attend avec de grosses chaleurs. Vive la canicule! Pour l’instant, on profite de la fraîcheur matinale et d’un beau lever de soleil.
On fait une petite entorse au projet avec un aller retour en voiture à Orny pour le dernier base camp des équipes.
1.07
Après une petite journée de vélo, on arrive à Chamonix. On y passe quelque jours pour se reposer et faire les derniers préparatifs…
3.07
18h Les vélos sont rangés dans un garage, on met les sacs sur le dos. Première étape : traverser Cham, 3 kilomètres de plat. Au bout de quelques minutes, on grimace de douleur et on plie le dos, ça va être dur ! Nous ne nous sentons pas de bivouaquer à l’endroit imaginé, donc à 20h on commence à monter. La forêt est raide, pas de replat à l’horizon.
Il est 22h, il commence à faire bien sombre, on hésite à dormir sur le chemin quand nous apercevons la place pour deux matelas sur le côté du sentier!
Finalement on est bien monté, ça sera ça de moins pour demain. On s’endort rapidement à la belle. Mais à 3h des gouttes nous réveillent, suivi d’un grondement de tonnerre. Comme ça devient une habitude, on est efficace pour sortir la toile de la tente et s’abriter. Un gros orage tonne dans la vallée, mais heureusement seulement quelques gouttes nous atteignent.
4.07
7h On recommence à marcher, la forêt est enveloppée de brume, c’est encore frais et calme. On arrive rapidement à la gare du Montenvers avant les premiers alpinistes et touristes. L’ambiance est top avec les Drus et le soleil qui sortent petit à petit du brouillard.
Une fois sur la Mer de Glace, on se fait rapidement rattraper par les gros groupes de touristes qui vont s’entasser dans les écoles de glace.
Nous continuons notre chemin presque seule sur le glacier. Il y a très peu de monde qui monte au refuge du Requin. Après de nombreuses pauses pour nos épaules et des échelles bien raides, on arrive enfin à ce petit refuge, bien accueillies par Amélie, la gardienne.
5.07
6h On attaque la partie la plus technique de l’itinéraire, névés, rochers, rivières à passer et un peu de glace. Avec les sacs, on est beaucoup moins à l’aise. Ce passage nous aura bien entamées. La suite est moins fatigante on doit remonter des pentes de neige pour rejoindre “l’autoroute” entre Torino et le Col du Midi. Entre la chaleur, l’altitude, la neige, la fatigue et ces sacs toujours aussi lourds, on bat des records de lenteur.
Mais petit pas par petit pas, on finit par apercevoir les tentes, signe de notre camping 5 étoiles pour les prochains jours. On se trouve un emplacement et on profite du soleil et d’un peu d’énergie pour monter le camp avant de s’écrouler dans la tente. Je pensais être acclimatée, mais la migraine me dit le contraire, je mangerai demain. Le bel anticyclone passé, c’est avec une météo incertaine qu’on a dû partir. Mais après les orages de fin de journée, c’est finalement du vrai mauvais temps et du vent qui est annoncé.
6.07
Les derniers voisins sont partis et les premières rafales plient un peu trop les arceaux de notre tente à notre goût. On se relaye pour améliorer les ancrages et construire un mur de neige autour de notre tente qui nous paraît bien peu solide tout à coup.
Après une première nuit de mauvais temps bien humide le soleil refait son apparition avec son lot de touristes. On en profite pour se dégourdir les jambes vers les pointes Lachenal et continuer de se reposer.
On continue nos murs, c’est une tempête de neige qui se prépare.
8.07
1h30 Il neige à gros flocon, le vent accumule la neige et remplit les absides de la tente. C’est à mon tour de sortir pour pelleter. Tout est calme, la neige étouffe les bruits, les flocons sont gros et la nuit est noire. J’en profite un instant, il neige ! On dirait Noël !
Le froid me rattrape vite, il me faut 1 heure pour faire le tour de la tente et j’ai les pieds gelés. De retour à l’intérieur, c’est dur de se réchauffer avec des duvets 0° malgré les grosses doudounes. Il faut du temps pour se rendormir et 3 heures plus tard rebelote, c’est Solène qui doit sortir.
36 heures de tempête c’est long. On apprend à tout faire dans la tente, c’est toujours un peu risqué quand on fait fondre de la neige le réchaud posé entre les matelas et nous toujours emmitouflées dans nos duvets.
Malgré cette météo, il y a quand même 4 tentes qui sont arrivées. Des Sud-Coréen et des Roumains, qui malgré les conditions, n’ont qu’un mot à la bouche, c’est le Mont-Blanc. On se croirait au camp de base du Denali. Il n’ont pas de pelle, et comme c’est un ustensile bien utile en ce moment, il nous emprunte la nôtre. En échange, on a le droit de goûter à différentes spécialités allant du rhum aux bonbons.
21h
Les nuages sont partis laissant place à un magnifique coucher de soleil. On aperçoit les faces plâtrées de neige. Mais ce n’est pas fini, il nous faut encore un peu de patience.
Cette nuit les températures sont descendues bien bas avec ce ciel clair et le vent a continué de nous enterrer de neige fraîche.
9.07
3h30 J’espère que c’est la dernière fois que je sors à cette heure pelleter.
J’ai beau le faire vite, je ne me réchauffe pas. Les rafales me coupent la respiration, j’ai les pieds et les mains gelées. Il faudra attendre que le soleil chauffe la tente pour que je me réchauffe et que je dorme un peu.


9.07
Ca y est on a 4 jours de beau temps, il a neigé 60cm avec du vent, on doit encore attendre que ça sèche et se tasse. D’un autre côté, vu notre état, c’est pas plus mal. On fait quand même une petite sortie sur l’arête des Cosmiques. On en profite qu’il n’y ait personne, ça fait du bien de bouger.
10.07
Il y a toujours des stalactites dans la fissure de Ma Dalton, on va donc continuer notre acclimatation et notre remise en forme avec une montée au Mont-Blanc du Tacul. On profite du soleil et de la température qui remonte !
11.07
C’est le grand jour, on avait de gros doutes, mais ça y est on part pour le Grand Capucin et la voie des Suisse avec la sortie dans O Sole Mio. Il y a beaucoup de monde, on arrive un peu tous au même moment. Une fois dans la voie, ça s’étale, on discute au relais et le rocher est magnifique. Après avoir patienté pendant la grimpe, on fait patienter d’autres cordées pour cause de grandes manips dans les rappels. Il faudra m’acheter des yeux mais au moins on aura révisé les remontées sur corde !
22h on est de retour à la tente, il nous faudra encore 2h avant d’avoir fini de faire fondre la neige et de manger.
12.07
C’est notre dernière journée de beau temps. Réveil 8h on est défoncées et Solène ne se sent pas de grimper. On se recouche. 11h finalement on se motive pour aller voir Ma Dalton, une grande voie beaucoup trop dure.
13h30 j’attaque la première longueur, un 6c dalle ouverte par Piola en 84, ça promet. Comme annoncé, je me mets une mission. Je suis obligée de faire un relais intermédiaire sur points très éloignés à cause du tirage et je me prend un vol sur friends juste sous le relais que j’atteins 2h30 plus tard. Solène part dans le toit en 7b+, elle se met rapidement à artifer et … coince la corde mais réussit à atteindre le relais. C’est donc partie pour encore de la remontée sur corde et de l’artif.
19h on redescend en un seul rappel sur le glacier. Décidément on en aura fait des manips et du grand libre !
On rentre fêter ça avec deux bières offertes par un polonais (encore une histoire de pelle…). On a réussi à aller dans nos deux projets, c’était pas gagné ! Il nous reste trois jours de bouffe mais la météo s’annonce de nouveau très incertaine.


13.07
Ca fait 7 jours qu’on est là, il est temps de redescendre, il n’y a pas eu de regel cette nuit. Après avoir bien pataugé, on arrive en fin de matinée au refuge du Requin. On profite d’un peu de soleil et de l’après-midi pour aller se doucher dans la rivière, ça faisait bien longtemps ! On passe un super moment avec un bon repas offert par Amélie et Cédric.
Le lendemain, on plie la tente sous la pluie et on passe la matinée à discuter en attendant le soleil pour redescendre. On n’a pas envie de partir…
18h la descente est très très longue et les sacs toujours trop lourds mais ça y est on arrive enfin à Chamonix. On retrouve Dorian et David pour un bon repas puis un vrai lit pour une courte nuit !
On passe quelques jours de repos bien mérité à Chamonix avant de reprendre les vélos.


17.07
Encore une grosse journée de vélo nous attend direction La Table, en Belledonne.
18.07
Dernière petite journée de vélo. Sur le papier, on a de la descente et un peu de plat, une après-midi et c’est fini. Dans la réalité on manque de sommeil, il fait chaud et on n’a pas envie que ce voyage se termine, donc le moral ne rend pas les choses faciles.
19h on est à la maison, quand même contente d’être arrivées et surtout fière d’avoir réussi ce projet complètement débile et aussi incroyable. 3 semaines très intenses autant mentalement que physiquement qui nous ont permis de découvrir des paysages grandioses pas très loin de la maison.
Malheureusement il y a quand même beaucoup trop de touristes et de gens qui n’ont rien à faire en montagne.
Vive les Ecrins !